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Les parents et le Haut Potentiel Intellectuel de leur enfant

Nous avons vu les caractéristiques générales des personnes dites à « haut potentiel intellectuel ». Les parents d’enfants concernés rapportent régulièrement des expériences assez similaires :

– Regard scrutateur du nouveau-né, tenue assise précoce, puis la marche qui intervient assez tôt (vers 12 mois au lieu de 16 en moyenne).
– Sensibilité particulière du bébé aux sons, aux odeurs, aux couleurs, à la lumière.
– Besoin de sommeil souvent inférieur à la normale.
– Réactions très vives, pouvant se transformer en colères (pour un vêtement dont l’étiquette le gratte, pour une frustration qu’il ne comprend pas…).
– Parole qui vient assez tôt, ou si elle arrive plus tardivement, l’enfant forme des phrases avec un vocabulaire étonnant pour son âge (pas de « parlé bébé »).
– L’enfant se repère assez vite dans le temps et l’espace.
– Grande curiosité. Il pose beaucoup de questions, rebondit sur chacune d’entre elles, conteste, argumente. En somme, il « prend de la place », et parfois, oui, il (vous) fatigue !

Peut-être parce qu’on a parlé pendant trop longtemps – et de manière abusive – de « surdoués », on peut penser qu’un enfant « HPI » est « plus intelligent » et « plus doué » que les autres.

OUI, il est « intelligent » et « doué », mais ça n’en fait pas un prodige pour autant.
OUI, une personne « HPI » peut éventuellement être un prodige.
NON, un prodige n’est pas nécessairement « HPI »1

Le « HPI » se définit principalement par un fonctionnement intellectuel différent, caractérisé par une organisation cérébrale différente.
En France, nous l’avons vu, on est considéré à « haut potentiel intellectuel » lorsque le Quotient Intellectuel Total (QIT) est supérieur ou égal à 130 (où, de plus en plus, situé dans l’intervalle de confiance, par exemple 123 / 134).
Le test de QI révèle le degré de culture générale, ainsi que des qualités de mémorisation, d’abstraction et de raisonnement2. C’est un outil pour mieux comprendre le fonctionnement cognitif, et s’agissant des personnes dites « HPI » leurs particularités.

Il y a plusieurs formes d’intelligence, le test de QI ne les mesure pas toutes3.

Aussi, un enfant « HPI » n’est pas spécialement plus intelligent que ses pairs, il l’est différemment.
Il n’y a donc pas de fierté particulière à avoir un enfant « précoce ».
Il n’y a pas de honte, non plus, à avoir un QI inférieur à 130.

1 On lira sur ce sujet « Intelligents, trop intelligents » de Carlos Tinoco (voir en page BIBLIOGRAPHIE)
2 C’est 125 sur l’échelle de Weschler au Canada.
3 Le psychologue Howard Gardner propose 8 et même 9 formes d’intelligences : Logico-mathématique, spatiale, sociale, corporelle-kinesthésique, verbo-linguistique, intrapersonnelle, musicale-rythmique, existentielle et naturaliste-écologique.

Évacuons l’idée reçue que certains enfants rencontreraient des problèmes à l’école à cause de leur haut potentiel intellectuel.
Certaines de leurs difficultés peuvent s’expliquer par un environnement pas toujours adapté autour d’eux : soit parce qu’ils sont d’un niveau différent des autres élèves ou n’ont pas les mêmes centres d’intérêts qu’eux, et/ou parce que le rythme proposé des apprentissages ne leur convient pas. Le Haut Potentiel Intellectuel n’est ni un problème, ni un handicap. C’est une chance.

L’entrée en maternelle marque régulièrement un changement dans le comportement de certains enfants « précoces ». Si la plupart s’adaptent sans  complications apparentes à ce nouvel environnement avec de nouvelles règles, d’autres vont avoir davantage de difficultés :

 L‘écart de langage avec les autres est souvent conséquent, les centres d’intérêts (dinosaures, planètes, envie de lire…) divergent, ils se tournent, de fait, davantage vers les plus âgés ou les adultes de l’école. 

– Leur énergie parfois débordante, contrainte par des codes de vie en commun plus stricts, mais aussi, souvent, l’ennui (ça ne va pas assez vite pour eux…) font que quelques-uns s’agitent particulièrement à l’école. Ils deviennent difficiles à canaliser et perturbent la classe.

– Les personnalités réservées – plus fréquemment les petites filles intégrant davantage ce qu’elles pensent qu’on attend d’elles – se fondent, elles, dans la masse. L’éventuel mal-être à l’école se manifeste alors fréquemment par des maux de tête ou de ventre réguliers et inexpliqués, des rêveries aussi, pendant les cours.

Un enfant « haut-potentiel » peut manifester différemment ses caractéristiques particulières en classe et à la maison. Il peut intervenir à tort et à travers, être très impliqué sur certains sujets, voir paraître pédant, être très sensible aux injustices perçues. Il y a, assez fréquemment, un décalage entre son aisance à l’oral et une approche un peu plus compliquée de l’écriture.

Beaucoup d’enfants à « haut potentiel intellectuel » connaissent une scolarité sans histoire, parfois même brillante. Malheureusement, d’autres rencontrent des complications en dépit de leurs compétences hors normes. Elles s’expliquent assez bien.

En primaire, le Cours Préparatoire (CP) peut constituer un écueil : alors qu’ils arrivent en sachant pratiquement lire dans une classe dont l’activité principale est précisément l’apprentissage de la lecture, ils vont manifester diversement leur ennui : agitation pour les uns, somatisation pour les autres, avec parfois refus de se rendre en classe.

Par la suite, leur mémoire et leurs facilités d’apprentissage suffisent pour mémoriser et obtenir de bons résultats. N’ayant pas besoin de « forcer son talent » pour réussir, ces enfants n’apprennent ni le goût de l’effort, ni la méthode de travail qui leur seront pourtant très utiles, particulièrement dans les « classes charnières » que sont  la 4ème (bientôt la 5ème avec la réforme en cours), puis la seconde.

Eux qui ont connu un parcours rectiligne se trouvent alors dans une situation nouvelle : l’échec. Ils voient leurs notes s’effondrer, leurs certitudes chamboulées et leur confiance en eux partir en fumée. L’institution scolaire, dont l’unité de mesure est la moyenne des notes, ne va pas les aider à briser le cercle vicieux, bien au contraire.

À ce stade, précisons que les chiffres qui circulent ici ou là sur le pourcentage d’élèves « précoces » en situation d’échec scolaire sont invérifiables. Il est déjà bien difficile d’estimer le nombre d’élèves concernés par le « haut potentiel » puisqu’il n’y a pas de statistiques officielles en France. Le chiffre d’un tiers des enfants « hpi » concernés, que l’on retrouve le plus communément, émane des psychologues, sur la base de ceux qu’ils reçoivent en consultation, donc rencontrant déjà des problèmes liés à leur précocité. Il est par conséquent très hasardeux d’en tirer des conclusions.

Le saut d’une classe – voire de deux – représente une solution pour certains enfants « précoces ». C’est l’évidence lorsqu’un élève fait preuve d’un niveau scolaire bien supérieur à celui qu’il est sensé avoir, ça l’est moins pour un autre manifestant son ennui différemment (agitation parfois excessive, repli sur soi, somatisation, phénomène de régression).

Les réserves des professeurs quant au décalage de maturité avec des camarades plus âgés, ou concernant un écart de niveau, sont compréhensibles. Il faut d’abord ne pas confondre la maturité et la sensibilité. Il faut ensuite garder à l’esprit qu’un tel enfant apprécie bien souvent déjà les plus âgés que lui. Quant aux lacunes scolaires, quand il y en a, un enfant « hpi » est à même de les combler assez rapidement. D’abord parce qu’il a des capacités de mémorisation et de compréhension supérieures à la moyenne. Ensuite parce que la stimulation intellectuelle induite peut agir comme un moteur, et accessoirement canaliser l’énergie débordante des plus agités, ou encourager la parole chez les plus inhibés.

Pour autant, « précocité » ne rime pas nécessairement avec « saut de classe ». Si l’ennui à l’école a des conséquences manifestes sur les résultats scolaires ou sur le bien-être de l’élève, cette solution est évidemment à réfléchir, parmi d’autres, mais ne peut pas être automatique. Chaque enfant est différent, ses besoins le sont tout autant.

En maternelle et primaire, il est fréquent de rencontrer des classes à double niveau.
Un enfant « HPI » retient facilement et rapidement ce qu’il écoute en classe. Un élève de CE2 dans une classe CE2/CM1 est par exemple amené à suivre ce que font ses camarades de CM1. Alors dans le cas d’une précocité supposée, il est peut-être préférable que l’enfant soit dans le niveau supérieur afin d’éviter les redites et l’ennui l’année suivante. En revanche, si la précocité est avérée, il peut-être intéressant de l’intégrer dans le niveau inférieur et de le faire « glisser » en cours d’année dans le niveau supérieur, opérant ainsi un saut de classe « doux ».

Un présupposé voudrait qu’un élève au QI élevé fasse bien sûr des études plutôt générales, longues, puisque ses capacités cognitives le lui permettent.

Les enfants, puis surtout les adolescents, ont des centres d’intérêts et des aspirations qu’il faut prendre en compte. Ils ne doivent pas répondre à l’attente (souvent inconsciente) de leurs parents. Ils peuvent aussi avoir des dons très divers, qu’ils soient artistiques, scientifiques, intellectuels, sportifs, manuels… 

Le « Haut Potentiel Intellectuel » n’a pas de frontière sociale ou professionnelle. On en trouve chez les boulangers, les peintres en bâtiment, les musiciens, les mécaniciens, les comptables, les maçons, les footballeurs, et même les journalistes.

La « précocité » peut retarder la détection de certains troubles d’apprentissage (les troubles de l’attention, les troubles « dys » comme la dyspraxie,  la dyslexie…) en les compensant. À l’inverse, ces derniers masquent souvent le « haut potentiel ».

L’enfant vit alors une double injustice : il a les caractéristiques et les compétences intellectuelles du « haut potentiel» qu’il ne peut ni révéler ni exploiter au mieux, et qu’on ne lui imagine pas du fait de la présence de ces troubles. Comment, par exemple, imaginer des compétences intellectuelles supérieures à un adolescent ne sachant (pouvant) pas faire ses lacets seul ?

Concernant l’aspect scolaire, il faut considérer que les enfants concernés ont un processus de compréhension différent, ils ont donc des besoins d’apprentissage particuliers. Si ceux-ci ne sont pas pris en compte, leur scolarité et leur developpement général peuvent s’en trouver affectés.
Cela peut intervenir dès l’école primaire, mais surtout au collège et au lycée. Les cas de déscolarisation (souvent dus à une phobie scolaire), s’ils sont plutôt marginaux, existent malgré tout.

Il convient donc, en premier lieu, d’éviter le  désamour vis-à-vis de l’école et le mal-être de l’enfant.
Le test de QI est une première étape permettant de formaliser une hypothèse et de mieux comprendre le fonctionnement de l’enfant ou de l’adolescent.

Mais au-delà du simple rapport à l’École, on grandit mieux en sachant qui l’on est. « pourquoi est-ce que je me sens si différent des autres ? », « pourquoi ai-je l’impression de ne jamais être compris ? »… Ces questions, comme une foule d’autres, ont besoin de réponses. Une « précocité » non détectée peut compliquer grandement l’enfance, l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte.

– Vous trouverez, ici ou ailleurs, de la documentation sur le sujet. De nombreux livres existent, nous en avons fait une sélection en page BIBLIOGRAPHIE.

– L’inventaire d’identification des enfants précoces (autrement appelé « grille de Terrassier ») permet de réaliser une pré-évaluation qui confirme – ou pas – la pertinence de l’hypothèse. Il ne représente pas une détection formelle.

Vous pouvez envisager, selon l’âge de votre enfant, un test de QI auprès d’un psychologue :

– WPPSI IV de 2 ans et 6 mois à 7 ans 7 mois,
– WISC-V de 6 ans à 16 ans et 11 mois,
– WAIS IV  à partir de 16 ans.

Ces tests prennent environ deux heures, sans compter le compte-rendu. Attention, ils sont assez onéreux (au moins 200€).

Il est préférable de les faire pratiquer par un psychologue compétent sur le sujet. Les correspondants locaux de l’Association Française pour les Enfants à Haut Potentiel (AFEhP) vous fourniront la liste des professionnels pratiquant ces tests et connaissant bien la  « précocité » dans votre département.
Si vos moyens ne vous permettent pas de vous attacher les services d’un cabinet de ville, les psychologues de l’Éducation Nationale sont également à même de les faire passer si votre enfant rencontre des difficultés au sein de l’établissement scolaire. Ils le font parfois à la demande des enseignants si l’enfant rencontre certaines difficultés. Attention toutefois : ces professionnels interviennent généralement sur plusieurs écoles et ont des emplois du temps surchargés. Il peut y avoir plusieurs semaines d’attente.

– Si votre enfant rencontre des soucis dans sa scolarité en lien avec une « précocité » avérée, vous pouvez en informer l’école, en prenant d’abord rendez-vous avec son ou sa professeur(e).
Attention, toutefois, à la manière d’introduire le sujet. Si on n’affirme pas la « précocité » de son enfant sans un test de QI établi par un professionnel, le résultat du test ne doit pas, non plus, être brandi comme un étendard. Le « HPI » explique, en partie, mais n’excuse pas.

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Documentation sur le hpi à l'usage des parents

Ouvrages parlant du haut potentiel intellectuel

L'enfant doué

Arielle Adda & Hélène Catroux

Les enfants surdoués

Jean-Charles Terrassier

Toi qu'on dit surdoué

Claire Grand

Tronche de zèbre

Vincent Thibodeau

Haut potentiel intellectuel

May Benhayoun-Sadafi

Fanny découvre son haut potentiel

Pascale De Costel, Marie Vanderbemden


D’autres ouvrages sur la page BIBLIOTHÈQUE

Ce que les parents apprennent de leurs enfants sur leur propre hpi

D’une manière ou d’une autre, un enfant tend toujours un miroir à ses parents. Toutefois, l’annonce de sa « précocité » (ce que c’est, ce qu’elle induit) est un évènement ayant fréquemment des répercussions tout à fait particulières dans les familles, tant elle peut entrer en résonance profonde avec l’histoire individuelle des parents.

Autrement dit, il n’est pas rare que ceux-ci se découvrent eux-mêmes concernés par le sujet, même si on ne connaît pas vraiment la part d’inné (la génétique, l’hérédité) et d’acquis (l’environnement dans lequel l’individu évolue).

La découverte de cette nouvelle donnée éclaire subitement sous un angle insoupçonné, à la fois l’éducation transmise à l’enfant (a-t-on bien fait ? nos réactions ont-elles été les bonnes ?), mais également leur propre parcours… Ils se revoient alors eux-mêmes à l’école, au collège, repensant à ce sentiment constant de décalage, d’incompréhension réciproque, d’adaptation difficile et plus généralement à tout ce qui est constitutif des personnes dites « à haut potentiel intellectuel », en intégrant désormais ce paramètre inattendu, qui explique sinon tout, du moins beaucoup.

Certains vivent alors avec une certitude nouvelle, d’autres un doute tenace qui les conduira peut-être au test de WAIS pour s’en assurer, mais tous ceux se sentant concernés voient alors leur vie changer, après un temps bien compréhensible d’intériorisation et d’assimilation.

La découverte de ce type de fonctionnement a des conséquences diverses et multiples (confiance en soi retrouvée, reprise d’études…) mais représente souvent la pièce manquante d’un puzzle émotionnel, jusqu’alors intuitivement connue mais non révélée.